Exemple de médiation dans un conflit du travail, par Reine DJOTANG, avocat au Barreau de Strasbourg et Médiateur à l’IJA.

Mélanie 45 ans, cadre commerciale dans une enseigne de la grande distribution, est licenciée pour faute grave après 11 années d’ancienneté au motif d’un abandon de poste.

 Le Conseil de prud’hommes requalifie la rupture de son contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse et lui octroie 32 700 € nets dommages et intérêts inclus. La société paie 16 700 € et fait appel de la décision. La Cour d’appel propose aux parties d’entrer en médiation.

 Ma mandante est sceptique quant au bien fondé d’une médiation dès lors qu’elle a eu gain de cause en première instance. Mon confrère est également sur la réserve. Il a déjà accompagné sa mandante à plusieurs médiations, sans succès.

 J’attire l’attention de ma mandante sur la possibilité que lui donne la médiation d’exprimer « sa vérité », de participer à la construction d’un accord et lui rappelle l’aléa judiciaire. Voyant dans l’accord de médiation une possibilité de tourner rapidement la page, elle accepte la médiation.

 La médiation débute dans un climat de tension.

 Ma mandante est entendue. Certes, elle a été peu sur le terrain mais elle n’a pas abandonné son poste. Elle a été démotivée suite à un recadrage musclé de la part de deux de ses supérieurs hiérarchiques à un moment où ses chiffres étaient en baisse et dans une phase de sa vie personnelle difficile empreinte de précarité suite à sa séparation de son conjoint violent…

 Les deux parties vont s’écouter, se parler et sympathiser même…

 Le DRH de l’entreprise propose à ma mandante une réintégration, qu’elle refuse car elle a désormais une activité libérale qu’elle développe.

 Ma mandante sentant la compassion de son interlocuteur réclame plus que les montants obtenus en première instance alors que la partie adverse concède à lui laisser les montants déjà payés et à rajouter la moitié des dommages et intérêts ainsi qu’une prise en charge de ses frais d’avocat à hauteur de 2000 € HT. Ma mandante se braque.

 Je sollicite un aparté, les médiateurs s’y invitent ensuite.

 Je demande à ma mandante quelle était sa principale motivation à accepter une médiation, elle répond : « tourner la page ».

 Le fait d’attirer son attention sur son intérêt premier a permis la poursuite de la médiation et d’aboutir à un accord total.

 Ma mandante n’a eu cesse de me remercier par la suite car pouvoir tourner cette page de sa vie valait bien mieux que quelques milliers d’euros supplémentaires.