(⏱3′) Vaincre ses réserves à s’engager en médiation, un exemple de médiation vécue.

Deux entreprises étaient liées depuis environ quinze ans par un contrat aux termes duquel le prestataire (disons la société P…) fournissait divers services au bénéficiaire (société B…). P… employait une équipe d’environ 20 personnes pour la fourniture ce seul service.

Ce contrat stipulait entre autres une clause de médiation préalable obligatoire, chaque partie devant en cas de survenance d’un conflit désigner son médiateur. (Remarque pour les noms juristes : tant que cette clause n’a pas été effectivement mise en œuvre, il est impossible de porter un conflit résultant du contrat au tribunal).

B… envisageait de saisir le juge d’une demande de résiliation du contrat au motif d’inexécutions contractuelles qui seraient imputables à P… (travaux mal réalisés, retards, …).

L’avocat de B… a débuté la rencontre de médiation en indiquant qu’elle ne durerait que trois minutes, qu’aucune « médiation » n’est possible et qu’il n’est là avec sa cliente que pour éviter que P… ne lui reproche devant le tribunal de ne pas avoir tenté la médiation préalable obligatoire.

En bouleversant l’ordre habituel du processus de médiation nous l’avons invité à préciser sa compréhension du mot « médiation ».

Il considérait que le mot « médiation » impliquait un accord sur la poursuite du contrat.

Après quelques échanges, P… a admis que pour lui aussi la poursuite du contrat n’était pas souhaitable en raison de la manière dont il se sentait traité par l’autre partie (commandes de dernières minutes, paiements tardifs, …).

Lorsque l’avocat de B… a compris que la médiation pouvait permettre de discuter des modalités de la rupture du contrat, celle-ci a pu être convenue en médiation.

Après deux séances de trois heures de médiation, B… a accepté de verser à P… une indemnité et les parties ont décidé de rédiger ensemble un communiqué de presse pour des questions de sauvegarde de leur réputation respective. Chacun est reparti satisfait pour plusieurs raisons:

  • rapidité (6 semaines)
  • confidentialité et sauvegarde des réputations respectives
  • maîtrise de l’aléa du procès
  • compression des coûts
  • possibilité de tourner la page.

Cette expérience vaut bien un petit commentaire :

La médiation est une démarche librement consentie (principe de liberté). Ici, le consentement à la médiation avait été donné par avance, lors de la signature du contrat. Pour autant lorsque le conflit survient, l’envie de médiation qui a pu exister lors de la signature du contrat, s’est dissipée. Mais cette envie de médiation a disparu pour de mauvaises raisons : une incompréhension sur les opportunités que la médiation pouvait offrir.

En l’occurrence les parties ont tenté, parce qu’elles s’y étaient obligés par anticipation, et bien leur a pris !

Que se serait-il passé sans cette clause ? Un procès, vraisemblablement long et compliqué, en raison d’un malentendu. Combien de fois des parties ne pensent pas à la médiation ou  la refusent par méprise sur ce qu’elle peut leur apporter.

L’IJA renseignera volontiers toute personne ou organisation sur ce qu’une médiation ou un autre mode de règlement amiable des différends peut lui apporter dans sa situation concrète.

Alors tentez !

Stéphane LOPEZ, avocat au Barreau de Strasbourg, Médiateur à l’IJA – Institut de Justice Amiable